La chalarose du frêne

Origines de la chalarose

Cette maladie a été détectée en Europe pour la première fois en 1992 en Pologne, puis s’est rapidement étendue à l’ensemble de la partie Est européenne. Mais son origine est bien plus lointaine, elle serait arrivée de l’Est de l’Asie, des traces de cette maladie avaient été mises au jour sur des frênes japonais. Depuis, 22 pays d’Europe sont touchés. En France, les premiers cas de chalarose ont été recensés en 2008 dans les régions Alsace, Lorraine, Bourgogne et Nord. La progression très rapide de cette maladie (de l’ordre de 50 km par an) a étendu la contamination à d’autres régions. Ainsi, en 2013, le Puy de Dôme, la Loire, L’Ardèche et la Côte d’Or ont été atteintes.

Conséquences de cette épidémie

Cette maladie fongique est causée par le champignon Chalara Fraxinea dans sa forme asexuée et Hymenoscyphus Fraxineus dans sa forme sexuée. La chalarose ne provoque de dégâts que sur les frênes. Les symptômes causés par ce champignon sont les suivants :

  • Flétrissement des feuilles
  • Nécrose des feuilles et des branchages
  • Nécrose des jeunes pousses
  • Mort des rameaux
  • Nécroses corticales
  • Faciès chancreux
  • Coloration grise du bois

La maladie peut toucher les arbres à n’importe quel stade de leur développement. A noter cependant que les jeunes pousses sont plus rapidement détruites en raison de leur petite taille. Pour les spécimens les plus grands (dépassant une dizaine de mètres) la dégradation de l’arbre est bien plus longue et visible dans les petits branchages et feuilles du houppier. Enfin, la nécrose du collet est un symptôme significatif de la présence de la chalarose.

Cette maladie est plutôt lente dans son processus d’évolution, et si elle ne provoque pas la mort des grands frênes, elle contribue fortement à leur affaiblissement et stoppe toute croissance. La nécrose du collet a toute son importance, car elle constitue un point d’entrée de la maladie, les arbres qui n’ont pas de nécrose du collet sont moins vite détruits que ceux qui en ont une. L’étendue de cette nécrose est proportionnelle au niveau d’infection et à l’état de dégénérescence de l’arbre.

La vitesse de la contagion est particulièrement importante en raison du vecteur de cette maladie : le vent. En effet, lorsqu’un arbre meurt et que ses branches tombent au sol, les spores contagieuses contenues dans le bois se répandent sur le sol et permettent la pousse de petits champignons blancs de quelques millimètres visibles à l’œil nu. Les ascospores contenues dans ces champignons vont ensuite être emportées par le vent et vont contaminer d’autres arbres.

Des solutions émergent

Les chercheurs et les spécialistes pépiniéristes ont constaté différents niveaux de gravité de la maladie. La population d’arbres est très disparate face à cette épidémie car certains arbres meurent (principalement des jeunes plants), certains sont seulement affaiblis et d’autres résistent à la maladie. Les chercheurs ne savent pas précisément ce qui fait la résistance de certains frênes, la génétique de certains spécimens semble être une hypothèse plausible. En effet, dans des pays d’Europe du nord, où la maladie est présente depuis plus longtemps qu’en France, des études ont révélées que les frênes résistants auraient des particularités génétiques qui les distinguent des autres. Des études approfondies sont toujours menées dans divers instituts. Parallèlement à ces découvertes, en juin 2013, des chercheurs britanniques sont parvenus à mettre au point un traitement. Il s’agit du CUPC33, un fongicide à base de sulfate de cuivre élaboré par l’institut Natural Ecology Mitigation.

Préconisations face à l’épidémie

Etant donné la méconnaissance de cette maladie, il est conseillé de ne plus planter de frênes tant qu’un traitement n’a pas été mis au point ou que des souches résistantes n’ont pas été développées. Ainsi, pour le reboisement des forêts, d’autres espèces comme le chêne, le peuplier ou le noyer sont privilégiés.

L’abattage des arbres ne doit pas être systématique, étant donné les possibles cas de résistance (qui représentent 2% à 4% de la population de frênes), l’abattage n’est autorisé que pour les arbres ayant un déficit foliaire supérieur à 50% du houppier et/ou une nécrose supérieure à 10% de la surface du collet.

La chalarose du frêne est-elle comparable à la graphiose de l’orme ?

Certains perçoivent dans la chalarose du frêne une maladie comparable à ce que fût la graphiose pour l’orme. Si ces maladies sont toutes deux des champignons et proviennent de la même région du monde, leurs modes de transmission et leurs conséquences sont, quant à eux, bien différents.

La graphiose est une maladie fongique qui touche exclusivement les ormes. Elle est apparue pour la première fois en 1919 en Hollande. Alors que l’on pensait la maladie éteinte, une autre souche plus violente venue d’Amérique du Nord réapparut dans les années 70.

Contrairement à la chalarose transmise par le vent, la graphiose se propage via les scolytes : ces insectes infectent le bois en perçant l’écorce afin de se nourrir et d’y pondre leur œufs, contaminant ainsi le xylème du bois. Une fois présent dans les vaisseaux, le champignon bloque le passage de la sève provoquant la mort de l’arbre. Un autre moyen de contamination est possible via les racines lorsque celles-ci se croisent et fusionnent en terre. Ainsi, un arbre dépérit rapidement de la graphiose car elle se répand dans l’arbre par la sève, ce qui n’est pas le cas de la chalarose.

A l’inverse de la chalarose, qui infecte l’arbre depuis le collet et le houppier et implique donc un abattage total de l’arbre, la graphiose se développe à partir des branches. C’est pourquoi, un simple élagage des branches atteintes suffit, en laissant une marge de coupe suffisante (1 m de bois sain) pour empêcher toute rechute. Les vecteurs de la graphiose étant principalement présents dans l’écorce, toute branche élaguée doit être écorcée pour éviter la contagion par le transport. Les grumes ont en effet constitué un important vecteur de la maladie.

Dans le cas de la graphiose, des arbres résistants ont également pu être observés, comme l’orme lisse des zones humides. Des particuliers sont parvenus à sauver quelques ormes en les traitant avec des antifongiques, mais cette technique n’est envisageable que pour quelques arbres, car il faut de grandes quantités d’antifongique pour traiter un arbre et cela est coûteux. Une espèce d’orme hybride résistante à la graphiose : Lutèce, a été mise au point par des chercheurs de l’Inra et de la Cemagref. Des études sont toujours en cours pour développer d’autres variantes d’ormes résistants et ainsi assurer la diversité génétique.

En cas de maladie fongique, qu’il s’agisse de la chalarose comme de la graphiose, un abattage précipité et systématique peut avoir certaines répercussions :

  • L’expansion de la maladie par transport de bois contaminé
  • Le déséquilibre forestier
  • La saturation du marché et l’effondrement des cours pour certains types de bois
  • L’élimination de spécimens résistants (des rémissions tardives sont toujours possibles) 
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